24 heures du Mans 2025. Robert Kubica, la revanche d’un miraculé.

Dimanche 15 juin 2025, Robert Kubica a inscrit son nom au palmarès des 24 Heures du Mans, mettant un point d’orgue à une trajectoire hors du commun. Une victoire éclatante, bien plus symbolique qu’un simple succès en piste : c’est la conclusion d’un combat de quatorze années contre un destin brisé en plein vol. Le 6 février 2011, le monde du sport retient son souffle. Lors du modeste rallye régional Ronde di Andora, en Italie, Robert Kubica percute violemment un rail de sécurité mal fixé. La scène est dramatique : la barre de métal transperce l’habitacle de sa Skoda Fabia et broie son bras droit. L’état est critique. Kubica, alors âgé de 26 ans, est transporté d’urgence à l’hôpital de Pietra Ligure, en "code rouge", avec à peine un litre de sang dans le corps. Le pronostic vital est engagé.

Ceux qui l’ont vu dompter une F1 chez BMW-Sauber et Renault, ceux qui le voyaient déjà prétendant au titre mondial, sont effondrés. La suite est un calvaire chirurgical : des mois d’hospitalisation, des dizaines d’opérations, et une convalescence à huis clos. Les nerfs sectionnés laissent son bras droit presque inerte. Le rêve de Formule 1 semble envolé. Mais Robert Kubica n’est pas homme à baisser les bras. Après une discrète rééducation, il s’offre un premier retour dans l’univers de la course par la porte de l’Endurance, puis retrouve même brièvement une monoplace. En 2017, il participe à des essais privés avec Renault. À Valence, il boucle une simulation complète de Grand Prix. La vitesse est encore là, mais les limites physiques persistent. Le rêve du retour en F1 semble encore inaccessible.

Qu’importe. Grâce au soutien fidèle de son sponsor personnel, Orlen, il intègre Williams comme pilote de réserve, puis devient titulaire en 2019. Le défi est immense : l’équipe est en crise, et lui, toujours handicapé, pilote essentiellement d’une main. Il renonce même à sa prime d’assurance pour invalidité permanente afin de pouvoir reprendre le volant. Le courage est immense, la performance plus limitée. Mais ce retour officiel en Formule 1, après un tel drame, relève du miracle.

Après cet ultime baroud d’honneur en Grand Prix, Kubica se recentre sur ses premières amours : le rallye. En 2013, il devient champion du monde WRC2, avant de buter dans la catégorie reine. Trop d’enthousiasme, trop de sorties, pas assez de moyens. Une nouvelle transition s’impose. Elle s’opère par l’Endurance, à nouveau. En 2021, il retrouve le plaisir du pilotage d'équipe, de la stratégie sur 6, 12 ou 24 heures. En 2024, AF Corse lui confie un volant dans une Ferrari 499P engagée en Hypercar. Une reconnaissance tardive, mais méritée.

Ce dimanche 15 juin 2025, Robert Kubica est enfin monté sur la plus haute marche du podium des 24 Heures du Mans. À 40 ans, il a triomphé de la souffrance, du doute, des renoncements. Ce n’est que sa deuxième apparition au volant de la Ferrari officielle d’Endurance, mais elle suffit à concrétiser une victoire personnelle avant d’être sportive. Il n’a pas exulté. Il ne s’est pas effondré non plus. Kubica est resté digne, pudique, lucide. Le Mans n’est sans doute pas sa plus grande victoire. Chaque étape de ce chemin de croix en a été une. Mais c’est peut-être la plus belle reconnaissance de ce qu’il est : un homme debout, un pilote revenu de l’enfer, un exemple de résilience.

Crédit photos : Willy CHANTELOUP / RACINGSHOOTS